The Bewitched Hands

Rock

Si le groupe avait été anglais ou américain, s’il résidait à Brighton ou bien à Portland, il aurait déjà fait la « Une » de Mojo, puis la « couv’ » de Uncut et enfin celle de Rolling Stone, sur le motif du « Renouveau de le Pop symphonique en mode punk, pastoral et psychédélique » pour finir par un dix pages dans le New Yorker sur le pourquoi du comment un groupe si « normal » peut accoucher d’une musique aussi extatique… Mais les « Bewitched » sont français (de Reims pour être précis et pour ceux qui l’ignorent encore), et c’est tant mieux. Car leur musique est de celle qui abolit les frontières, de celle qui vous ferait penser que Phil Spector est sorti de prison avec une permission spéciale afin de les aider à terminer la production de leur disque. Malheureusement pour Spector, Julien Delfaud n’a eu besoin de personne pour y parvenir, tant il a su ici magnifier la richesse intraitable des chansons. Car c’est aussi l’une des clefs fascinantes de ce disque :
Si chacun de ses morceaux vous laisse sur le carreau c’est pour que le suivant remette ça de plus belle et qu’au final, le disque dans son intégralité vous lamine de part en part. Si bien qu’à la fin vous n’êtes plus bon qu’à être ramassé à la petite cuillère, évidé comme après une (longue) nuit d’amour… Et comme les Bewitched sont six (ils évoluent d’ailleurs à la manière d’un vrai collectif où tout le monde écrit, chante, joue, où les ego sont partagés avec inspiration et délicatesse), on parlera d’une partouse des sens, d’une marée émotionnelle dont le ressac n’a cesse de caresser votre sensibilité en appuyant uniquement là où ça fait du bien. Magie opérationnelle puisque après chaque écoute d’un album qui, comme tous les diamants noirs ne se donnent qu’à ceux qui ont sincèrement envie d’être bousculés, on en redemande. Et chaque fois nous sommes pris au piège de l’inextricable dépendance qui s’installe comme avec une drogue parfaite, sauf qu’ il n’y a pas de downs qui tuent, il n’y a que des highs qui vous explosent la tête.

Concrete Knives

Pop rock / France

Grandir n’est jamais facile. Surtout quand on vit un succès qui nous dépasse. Prenez les Concrete Knives et vous comprendrez pourquoi : tout dans l’histoire de cette bande de potes normands propulsés dans tous les festivals d’Europe à la sortie de la fac raconte ce paradoxe.
Avec sa pop indie, joyeuse et barrée, Concrete Knives est la sensation de la presse musicale française en 2011. Leur premier album, Be Your Own King, va leur permettre de réaliser 150 dates à travers l’Europe, de venir au Brise Glace et de s’offrir le Trianon de Paris en point d’orgue d’une folle aventure entre amis.
Vu comme ça, on aurait pu se dire que la vie était belle… Pourtant une autre réalité existe : celle des longues heures en van, de l’éloignement de chez soi et d’un rythme effréné en décalage total avec le reste du monde laisse parfois des traces.
Voilà sans doute pourquoi Our Hearts, second disque du groupe, ne sort que cinq années après son prédécesseur. Il fallait prendre du recul, analyser, grandir, se faire les dents sur des projets solo pour mieux se retrouver ensuite. Our Hearts est un album puissant, aux structures soignées et maîtrisées, à l’énergie punk, quelque part entre les Pixies, les Yeah Yeah Yeahs ou les Talking Heads, une référence évidente, dont on retrouve les influences world… Et que l’on se rassure, les Concrete Knives n’ont rien perdu de leur sens inné des riffs accrocheurs et des refrains qui butent. Ils l’ont juste mis au service d’une œuvre plus adulte et ambitieuse.